Alesh décrypte son nouveau single, « Oa motema mabe »
Artiste musicien rd-congolais, producteur, fondateur du label Mental engagé, propriétaire du studio Lumumba et activiste de justice sociale, Alesh Kaposo est une personne œuvrant sous plusieurs casquettes. Dans une intervient avec Eventsrdc.com, il décrypte son tout dernier opus sur le marché, « Oa motema mabe ». Opus qui le relance sur scène après un moment de trêve. Interview.
La presse et le public vous connaissent pour votre plume réfléchie. Qu’est-ce qui vous a poussé à réaliser cette chanson très urbaine et très congolaise ?
Par rapport à l’habitude, je crois que c’est le format qui a changé. Au fond ma plume reste réfléchie. Ceux qui me connaissent savent que je me fais appeler « Intello des rues ». Je me sens aussi confortable quand je dois discuter avec mes amis députés, ministres, businessmen de ce pays qu’avec mes amis schégués. Je fais de mon mieux pour apporter un message réfléchi, mais à une population qui n’a forcément pas accès à l’éducation. Au bout d’un moment, j’en ai assez d’être compris qu’auprès de ceux qui ont eu accès à l’éducation ou que nous pouvions appeler ou qualifier d’intellectuels. Le plus important est de pouvoir faire danser ces schégués, tout en leur proposant une alternative à la place de voler. Par exemple, nettoyer un véhicule pour être payé honnêtement; faire danser ces professionnels de la nuit tout en leur prévenant de l’existence des maladies sexuellement transmissibles. Il convient pour eux de se protéger. Comment parler aux rues kinoises? Comment parler aux rues congolaises? C’est là que réside tout l’exercice auquel je me suis adonné au cours de toutes mes sessions de composition du morceau « Oa motema mabe ».
Quelle est l’idée maîtresse de « Oa motema mabe » ?
L’idée maîtresse est de rappeler les gens à l’ordre. Il serait souhaitable d’être pour les autres, le boss que l’on aimerait que les autres soient pour nous. Personne d’entre nous n’aimerait avoir le boss qui l’opprime ou qui ne lui paie pas ou encore qui ne tient pas à ses engagements. Quel que soit votre niveau de « bossitude », il est important d’être pour les autres, le genre de boss que vous aimeriez que les autres soient pour vous. Traitez bien vos employés, traitez bien ceux qui sont sous vos responsabilités.
Quelle est la cible avez-vous ciblé en composant cette chanson ?
Cette œuvre est réalisée pour toute la société entière. Je fais toujours un effort pour avoir une procédure lyrique qui me permet d’atteindre tout le monde. Quand j’écris un morceau, ce n’est pas forcément pour que tel soit visé. J’écris un morceau pour que tout le monde soit capable de s’en approprier. J’ai écrit cette œuvre pour qu’elle soit universelle et pour qu’elle parle à tout le monde. Je l’ai réalisé pour moi et pour le reste de la communauté. Pas seulement la communauté congolaise, la réalité chantée pouvant être transversale et importer dans plusieurs pays.
N’avez-vous pas un agenda caché derrière cette chanson ?
Je n’ai aucun agenda caché derrière cette chanson. Elle marque juste mon retour après deux ans de silence et interpelle la communauté comme j’en ai l’habitude. Je crois être l’un des artistes musiciens de ce pays qui dit des choses aussi bien clairement qu’il les pense. Je ne vais pas par le dos de la cuillère quand je pense à quelque chose. Je n’ai pas d’agenda caché. Quand j’ai un objectif, je l’exprime clairement. Le morceau doit être pris tel qu’il est chanté et non tel que les gens pensent qu’il est chanté. Je reste encore maître de mes écrits, mais je n’ai malheureusement pas le pouvoir sur les interprétations faites de la part des autres.
La chanson est-elle commercialisée ?
Jusqu’à présent, l’œuvre est gratuite, parce que j’ai décidé de la sortir sans calcul. Je ne veux pas la commercialiser. J’ai encore un album qui a été enregistré entre les Etats-Unis d’Amérique, Kinshasa et Kisangani en Rd-Congo et l’Angleterre en 2015. Un superbe album que les gens n’ont pas encore écouté. Je suis sûr qu’à sa sortie, il fera son temps et sera commercialisé. « Oa motema mabe » a été fait à dessein, sans idée commerciale. Il y a un gros réseau de la diaspora congolaise qui m’a découvert et qui souhaite la commercialisation de l’œuvre. Le fait de l’acheter via les plateformes digitales sera une façon de me soutenir. Aujourd’hui, l’œuvre est en cours de processus sur ITunes et autres.
Où trouver la chanson ?
Pour l’instant, l’œuvre est présente sur Internet, -sur Whatsapp et autres réseaux sociaux. Trois jours après sa sortie, elle avait connu un franc succès. J’avais l’impression comme si elle était sur le marché depuis un mois. Une grosse promotion club sera bientôt lancée à Kinshasa et dans d’autres villes du pays. Ceux qui l’écouteront dans des clubs pourront la demandait auprès des DJ. J’autorise expressément tout le monde à l’avoir. Il faut dire que je suis à la fois artiste, auteur-compositeur, interprète et producteur de cette œuvre. Je peux quand même me permettre des choses.
Contrairement aux musiciens rd-congolais évoluant dans le registre du « Ndombolo » ou de la « Rumba », les musiciens urbains ne drainent pas du monde. A quoi est du cela ?
Sincèrement, je ne vois pas un grand artiste musicien plus talentueux que moi. Le destin a tranché. Artistiquement, mes propos paraissent prétentieux, mais je ne vois aucun talent monstrueux dans plusieurs musiciens qui arrivent à galvaniser les rues de Kinshasa. Nous, les artistes urbains de la Rd-Congo, avons encore du mal à mobiliser les foules et à passer nos messages.
Certes, dans la partie Est du pays, j’ai mobilisé 10 mille personnes ou plus. Kinshasa, à l’Ouest de la Rd-Congo, et l’Afrique restent encore un exercice. Quel langage Werrason, Koffi et autres utilisent pour captiver la rue ? C’est de ce ras-le-bol et de cette envie de changer les choses que j’ai sorti cette œuvre. En même temps, comme la rue de mon pays adore danser, nous bougeons la hanche et nous reviendrons au cerveau.