Alors que le slogan « RDC, Cœur d’Afrique » a mystérieusement disparu des maillots du Barça, l’opération de communication orchestrée par Kinshasa et le club catalan montre ses limites. Le contribuable congolais est-il le grand perdant d’un partenariat aux retombées plus que floues ?
L’image était censée être celle de la consécration : le prestigieux FC Barcelone, géant mondial du football, arborant fièrement les couleurs et le slogan de la République Démocratique du Congo. Un partenariat historique, scellé pour la modique somme de 44 millions d’euros, présenté comme une vitrine exceptionnelle pour le pays. Pourtant, dès le match de Ligue des Champions face à Newcastle, le rêve a viré au cauchemar pour les communicants. Le fameux slogan était introuvable sur les maillots d’échauffement. Absent. Comme effacé.
Ce lapsus visuel, loin d’être anodin, soulève une question brûlante : le contribuable congolais a-t-il été floué ?
Une visibilité à géométrie variable : La Liga oui, la Champions League non
Le constat est sans appel et terriblement gênant pour les autorités congolaises. Le slogan « RDC, Cœur d’Afrique » apparaît souvent ponctuellement lors des entraînements soit de fois en matchs de championnat espagnol, une compétition dont l’audience, bien que conséquente, n’a rien à voir avec le rayonnement planétaire et les milliards de téléspectateurs de la Ligue des Champions.
Cette disparition sélective est-elle le fruit du hasard ? Bien sûr que non. Elle est le résultat probable de restrictions contractuelles liées aux sponsors principaux du Barça en Ligue des Champions, ou pire, d’un manque de négociation criant de la part de la RDC.
Dans les deux cas, le pays se retrouve avec un produit dégradé : une visibilité de seconde zone, réservée aux matches « de routine », et absente des soirées de prestige où l’œil du monde entier est braqué sur le terrain.
Les « clarifications » du ministre Budimbu : De l’enfumage qui ne rassure personne
Face à la grogne naissante, le ministre des Sports, Didier Budimbu, a tenté d’éteindre le feu. Sa défense est, en soi, accablante :
« À aucun moment nous n’avons exigé l’inscription du slogan sur les maillots. C’est une initiative du FC Barcelone. »
Cette déclaration est stupéfiante. Elle signifie que la RDC a déboursé des dizaines de millions sans exiger la contrepartie visible la plus élémentaire, laissant à la bonne volonté d’un club multinational le soin de décider où et quand afficher le slogan. On imagine mal Apple ou Nike signer un chèque de 44 millions sans un contrat cadrant strictement chaque pixel de visibilité. Pourquoi l’État congolais, lui, s’en est-il dispensé ?
Le ministre se retranche alors derrière les autres volets de l’accord : la formation de jeunes talents et l’aménagement d’un espace au Camp Nou. Des arguments qui sentent le prétexte à plein nez.
· La formation : La RDC, un pays au football pourtant ultra-dynamique, a-t-elle vraiment besoin de payer le Barça 44 millions pour peut-être voir quelques jeunes formés ? N’aurait-il pas été plus judicieux d’investir cette somme colossale directement dans les centres de formation locaux, les infrastructures nationales et les ligues de jeunes sur son propre sol ?
· L’espace au Camp Nou : Quel est le retour sur investissement concret d’un « espace » dans un stade en Espagne pour le citoyen de Kinshasa, de Lubumbashi ou de Goma ? S’agit-il d’un musée, d’une boutique de souvenirs ? Le flou artistique règne.
44 millions d’euros : Priorités et opacité
Alors que la RDC fait face à d’immenses défis sociaux, économiques et sanitaires, le déblocage de 44 millions d’euros pour un partenariat footballistique aussi flou interroge sur les véritables priorités nationales. Quelle est la part de raison d’État et la part de coup de com’ pour une classe politique en quête de prestige ?
L’opinion publique congolaise, loin d’être dupe, a raison de s’interroger. Ce partenariat sent bon l’arnaque marketing à la africaine : un grand club occidental voit arriver un pactole facile, un gouvernement y voit un moyen de s’offrir une image glamour, et le peuple, lui, reste avec une facture salée et des promesses non tenues.
La balle est désormais dans le camp des autorités congolaises. Elles doivent fournir des preuves tangibles des retombées de cet accord, publier les clauses contractuelles concernant la visibilité et justifier chaque dollar dépensé. Jusque-là, ce partenariat ressemble moins à un « Cœur d’Afrique » qui bat fort sur la scène internationale qu’à une saignée financière de plus pour un mirage.
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