Dans la scène urbaine de Kinshasa, une clameur puissante s’élève depuis quelques jours autour du morceau « Kabasele ». Plus qu’une simple chanson, ce « morceau du moment » est un véritable réquisitoire musical dénonçant avec intensité les tracasseries et la brutalité policières qui gangrènent la capitale congolaise selon le vécu des artistes rappeurs.
Réuni autour de l’artiste « Suintement », ce collectif des 17 rappeurs met en lumière une réalité souvent tue du vécu de la population kinoise .
Le titre même de la chanson, « Kabasele », est une référence directe et sans équivoque à la redoutée camionnette de type « Traveller Force » de la police nationale congolaise. Pour de nombreux jeunes kinois, ce véhicule est devenu le symbole de la peur, des arrestations arbitraires, de l’extorsion et de la violence.
Le texte dénonce directement les abus policiers, le rançonnage, les arrestations arbitraires, les rackets sur les transports et les abus d’autorité. « Tika ko tambola, oko kutana na Kabasele » (« Ne te promène pas trop, tu risques de croiser Kabasele »), prévient Suintement dans un refrain qui résonne comme écho. Ce refrain est accentué des punchlines aussi acide que acerbe des artistes invités dans le titre, parmi les couplets les plus évocateurs on note ceux artistes Fellow, Shiii, Mukendi Nkoy, Eke Lateral et Général Magnéto.
« Ba botoli nga mbongo ya traitement, ba kangi nga betement, ba bebisi ya nga ba vetements… na wutaki culte matinal, tozalaki na.. mais bazui biso malheureusement » — Fellow
« Na sali rien eza mbawu nde ezo sala que face ekoma ya ba vieux botala nga bien naza innocent naye kosomba poisson na memela vieux. bo kati nga carte d’électeur, mbata na munoko mais nasali nini, boye na kabasele nga nde versement bo moni nga nani » (« je n’ai rien c’est la pauvreté qui me fait paraitre âgé, je suis innocent j’achète du poisson pour mon père. Vous déchirez ma carte d’électeur, me giflez sans raison, suis-je celui qui doit remplir vos poches pour votre bus ? ») — Shiii
« benga palais benga mère kabasele m’a chopper mokonzi dis moi ou tu m’amenes sans mandat d’amener je suis kidnapper, to sengi liberté mwana mboka azo merité sécurité » (« Appel la maison, appels maman, « Kabasele » m’a arreter. Officier dis moi ou tu m’amènes ! nous voulons être libre nous méritons la sécurité ») — Mukendi NKOY
« Ata ogangi o niongi innocent mowei oko lela epayi ya nani… motema esuki toko kende musika te zua mbote ya likasu » (« Quelque soit tes cris, tu restes un innocent coupable sans aide… je suis à bout n’allons pas plus prends cette somme d’argent ») — Général Magnéto
« likolo to bangaka nzambe na se to kima lisusu kabasele ndeti mbula… na lela nani na kimela wapi pesa mbote y alikasu » (« Craindre Dieu au ciel et sur la terre s’enfuir de Kabasele comme la pluie… Vers qui me plaindre, vers où aller tiens prends de l’argent… ») — Eke Lateral
Loin des rythmes festifs qui font la renommée de la scène congolaise, « Kabasele » opte pour une ambiance anxiogène, en parfaite adéquation avec la gravité de son propos sur un beat sombre et pesante signé Daniel Nsuele Itole.
Illustré par un clip qui cumule déjà plus de 600k vues à ce jour sur youtube, les artistes sont en phase avec la réalité qu’ils décrivent, ils s’affichent comme des détenus dont les motifs de détention semblent illégaux et farfelus. Dans la même vidéo on peut découvrir le fameux véhicule « Kabasele » utilisé par la police nationale congolaise.
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