À Kinshasa, capitale de près de 20 millions d’habitants, les moto-taxis, communément appelés « wewa »,sont devenus un symbole paradoxal : à la fois sauveurs du transport urbain et bourreaux du porte-monnaie des Kinois.
Dans un contexte où aucune grille tarifaire officielle n’encadre ce secteur les prix des courses fluctuent au gré des humeurs des conducteurs, des embouteillages, ou même de l’heure de la journée. Un désordre qui plonge la population dans une précarité quotidienne.
déréglementation chronique
Le constat est alarmant: sur des axes stratégiques comme Kintambo Magasin – Ville ou Gombe – Magasin, les tarifs oscillent entre 6 000 et 10 000 FC, tandis que des trajets comme Assanef-Gombe explosent de fois jusqu’à 20 000 FC . Pire, le moindre embouteillage transforme ces prix en montagnes russes, doublant ou triplant sans préavis.
« Un trajet de 10 minutes peut coûter une demi-journée de salaire, ils ne sont pas contrôlés raison par laquelle ils taxent les prix comme bon leur semble », témoigne un habitant de Lemba croisé vers l’arrêt Assanef / lingwala.
Cette anarchie perdure malgré l’adoption, en 2021, d’un édit provincial réglementant le secteur, prévoyant des sanctions pour les conducteurs des motos sans permis ou ne portant pas de casque . Mais entre les textes et la réalité, le fossé reste béant. Les motards, souvent accusés d’insécurité et de braquages, opèrent en marge des lois, profitant de l’absence de contrôle systématique .
Des tentatives de régulation en échec
En 2025, les autorités ont pourtant tenté de reprendre la main. Une grille tarifaire officielle a été imposée aux bus et taxis collectifs, avec des tarifs fixes selon la distance (500 FC pour moins de 5 km, 1 000 FC au-delà de 10 km) . Mais les moto-taxis, eux, restent dans l’angle mort. Pire, certains conducteurs invoquent la pénurie de carburant ou l’état des routes pour justifier leurs hausses abusives .
Par ailleurs, le gouverneur de la ville Daniel Bumba avait annoncé en janvier 2025 vouloir impliquer les associations de motocyclistes pour établir une tarification équitable . Une promesse encore en suspens, tandis que des acteurs comme l’Association des Motocyclistes Intègres du Congo dénoncent les « pratiques cupides» de leurs pairs .
Conséquences sociales : la population en otage
Les premières victimes de ce chaos sont les usagers. Étudiants, travailleurs, et ménages modestes voient leur budget étouffé par des frais de transport imprévisibles. A l’ISC Gombe, Angel Konde,une étudiante en L3 fiscalité se plaint de ce genre de comportement :
« De fois je dois parfois renoncer à mes cours à l’ISC/Gombe parce que le prix du trajet a doublé en une journée. Mon père est un fonctionnaire de l’état, nous n’avons pas beaucoup d’argent pour payer ce genre de prix puis je ne suis pas la seule qui étudie», confie-t-elle.
Cependant, l’absence de régulation favorise aussi l’insécurité routière : motards sans casque, violations du code de la route, et véhicules surchargés sont monnaie courante, rappelant que 80 % des accidents à Kinshasa impliquent des moto-taxis .
Urgence : un appel à l’action
Face à cette crise, trois mesures s’imposent :
1.Étendre la grille tarifaire aux moto-taxis, comme cela a été fait pour les bus, en adaptant les prix à la réalité économique .
2. Renforcer les contrôles sur le terrain, avec des amendes dissuasives pour les contrevenants, conformément à l’édit de 2021 .
3. Impliquer les associations professionnelles dans la gestion du secteur, pour instaurer un dialogue entre autorités et conducteurs .
La balle est désormais dans le camp des autorités urbaines. Alors que le gouverneur Bumba évoque 6 millions de motos en circulation à Kinshasa , il est temps de transformer ce potentiel en atout, plutôt qu’en fardeau pour la population.
En définitive, Kinshasa ne mérite pas d’être une jungle où seul le plus offrant survit. Réguler les moto-taxis, c’est redonner de la dignité à des milliers de conducteurs et de la sérénité à des millions d’usagers. Comme m’a dit un motard ce matin : « Nous transportons des vies, pas juste des passagers ». Il est temps que cette responsabilité soit encadrée par des règles justes et appliquées.
✍️ Pop KIDIMBU
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