La politique congolaise, au-delà de ses institutions et de ses intrigues, ressemble de plus en plus à une répétition générale sans fin. Dans ce théâtre, les acteurs principaux sont les hommes politiques, mais le scénario, lui, semble directement inspiré de la culture urbaine des années 90-2000 : celle des musiciens Wenge.
Les artistes de cette génération (Wenge Musica BCBG, Maison Mère, Wenge El Paris) ont bâti une mythologie faite de succès fulgurants, de rivalités internes, de scissions spectaculaires et d’une quête permanente de gloire individuelle. Or, trente ans plus tard, ce qui frappait hier comme un spectacle musical est devenu aujourd’hui le mode opératoire de notre vie publique.
Le charisme avant le projet
Dans le Congo d’aujourd’hui, la politique n’est plus un projet collectif mais une scène. Les hommes politiques, comme les musiciens Wenge à leur apogée, soignent avant tout leur visibilité. Tout se joue dans la posture, dans la capacité à mobiliser les foules et à occuper l’espace médiatique. La figure de l’homme providentiel prime sur l’institution ; l’image efface le contenu.
La fragmentation permanente
Le Wenge originel s’est émietté en une multitude de branches concurrentes, chacune revendiquant l’authenticité. De la même manière, la scène politique congolaise se dilue dans une profusion de partis et de coalitions éphémères. À chaque crise, on assiste à une nouvelle scission, comme un remix perpétuel d’un même morceau qui finit par perdre sa mélodie.
Le spectacle du conflit
Ce qui était hier un clash musical (insultes voilées dans une chanson, règlements de comptes sur scène) est devenu la règle des débats politiques. La querelle médiatisée est un carburant : elle attire l’attention, donne l’illusion du mouvement et occupe l’espace public. Mais derrière le bruit, rien ne change vraiment.
Quand la satire tend le miroir
Des artistes contemporains comme Alesh et Zozo Machine l’ont bien compris. Leur parodie Wenge eza Politique est plus qu’une blague : c’est une analyse sociologique en musique. Ils transposent les querelles parlementaires et les intrigues de pouvoir dans l’univers du Wenge, révélant ainsi l’absurdité des pratiques politiques actuelles.
Alesh ironise : « Na La Zamba (Palais du Peuple), 2 musiciens ya Wenge ba simbani na nzoto. Moko alingi alongola muninga n’e ventilateur ya Mungongo! Sikoyo natuni hein,ko bunda oyo, bazo bundela kaka Public (peuple) ? Politique eza Wenge! »
Zozo Machine rebondit avec dérision : « Wenge déjà esali recrutement ya sika ? Ebongo na ministère ya mbonda ba tie nani? »
Et plus loin : « Nayoki na Wenge ba suspendre musicien préféré ya publique… #YaNzambe »
Ces caricatures sont implacables. Elles dévoilent une vérité crue : le peuple n’est plus le spectateur d’un débat démocratique, mais le public d’un concert désaccordé.
Baza na 2 coachs mais na même jeu : La démocratie comme un générique remixé
Politiques et musiciens congolais partagent une même grammaire : le charisme contre l’institution, le spectacle contre le projet, le conflit comme stratégie d’occupation de l’espace. Ce parallèle n’est pas une simple métaphore : il révèle la difficulté du Congo à transformer ses énergies créatives en institutions solides.
La politique congolaise ressemble aujourd’hui à une chanson Wenge sans fin : refrains entêtants, querelles interminables, solos éclatants, mais une incapacité persistante à composer une œuvre commune.
Et au fond, peut-être qu’Alesh et Zozo ont dit l’essentiel : « Wenge eza Politique ».
Vous trouverez la chanson par ici : https://youtu.be/6eugBECXhxQ?si=YtWsZeUni85AIOoF
Par Niamba Malafi ,Auteur et observateur des dynamiques culturelles en Afrique centrale et dans la diaspora africaine, artiste pluridisciplinaire, entrepreneur culturel et initiateur du Salon des Bruits des Villes Africaines.
En savoir plus sur Talents2kin
Subscribe to get the latest posts sent to your email.