Interview

JOUR 4 : GUERRE DE 6 JOURS A KISANGANI récit par Alesh (5-10 juin 2000)

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POUR LA MÉMOIRE COLLECTIVE (20 ans sans Justice).

GUERRE DE 6 JOURS A KISANGANI récit par Alesh (5-10 juin 2000)

JEUDI 08 Juin 2000… #4èmeJour de Guerre.

Les coups de feux restent toujours aussi intenses que dangereux… les Ougandais ont ramené des chars de combat sur la 7ème avenue (je rappelle que notre maison est située sur la 6ème avenue au Quartier Plateau Boyoma)… ils ont également ramené une batterie anti-aérienne qu’ils ont placée au rond-point Comboni (7ème Av. Plateau Boyoma). On entend de nouveaux sons d’armes jamais entendus… ça devient de plus en plus infernal mais nous n’avons malheureusement aucun moyen de sortir pour nous enfuir. Quitter la maison quand ça tirait était carrément du suicide… même les oiseaux ne chantent plus.

Mais un autre challenge est face à nous et il nous faut à tout prix prendre une décision suicidaire… il n’y avait plus une seule goutte d’eau dans la maison, il n’y avait plus de bouffe… du fait du manque d’eau, les toilettes étaient devenues crades, risquant ainsi de nous provoquer de maladies. C’était soit se cloîtrer de peur dans la maison et crever de faim et de soif, soit tenter de sortir pour trouver à boire et risquer sa vie. Pour la nourriture, on avait trouvé une solution alternative: Mon père était agronome et nous avions des sacs de paddy dans la maison (initialement, semences pour ses plantations)… il ordonna ma soeur Rachel d’en piler quelques kilos afin d’en tirer quelques gobelets de riz.

Mais avec la menace de la soif et la saleté des installations sanitaires, la famille avait pris une décision très difficile: TOUS LES GARÇONS (Papa inclus mais excepté mon petit frère Gloire, âgé de 11 ans à l’époque) DEVAIENT ALLER PUISER DE L’EAU SUR LA 4ème AVENUE (chez le feu «Vieux Deschauds»). C’était tous les hommes de la maison exceptés mon frère Gloire, et mon grand frère Guy (qui lui, avait déjà été touché par une balle et les éclats de roquettes durant la guerre de 3 jours… oui, la guerre de 6 jours n’est pas la seule guerre qu’on ait vécue. De ma vie j’ai survécu à 4 GUERRES.

Donc au final, il n’y avait que 3 hommes de la maison qui étaient allés puiser de l’eau: Mon Feu père, Mon Feu Frère Patrick et Moi. La 4ème avenue n’était qu’à 2 avenues de chez nous mais l’impression était qu’il fallait parcourir 100km pour y arriver. En nous voyant sortir, certains de nos voisins nous avaient rejoint… nous avions formé un groupe suicide d’hommes partis à la recherche d’eau pour sauver leurs familles.

En sortant, en plein milieu de notre avenue (Devant la parcelle de la Famille Odia), il y avait un obus non explosé que je n’avais malheureusement pas vu. J’avançais vers cet obus avec mes 2 arrosoirs en main, bien sûr avec la plus grosse peur au ventre d’attraper une balle perdue, quand j’entendis tout le monde crier «Alain nooooonnn! Regarde sous te pieds, toko kufaaaaa!», jusqu’à présent je n’ai jamais compris comment j’avais fait 2 pas de suite avec la jambe gauche sans que la droite (qui s’apprêtait à piétiner l’obus cad un UXO en langage technique de déminage), ne touche le sol… Dieu est grand!

Enfin commença le long périple vers la «source» ou plutôt l’étang de la 4ème avenue pour trouver de l’eau. Potable ou pas, là n’était plus la question. L’essentiel était de trouver soit de quoi boire, soit de quoi manger… J’ai vu des gens manger de la pelouse par manque de choix ou d’autres boire l’eau sale des caniveaux.
Arrivés à la source, une grosse bagarre éclata entre les familles puisque tout le monde voulait puiser de l’eau en premier… Quand nous avions tous fini de remplir nos récipients (puisqu’on ne pouvait quitter les lieux qu’en groupe), un militaire (visiblement du camp Rwandais) a commencé à s’amuser en tirant de façon rafalée dans les étangs du « Vieux Deschaud » pour nous faire peur… c’était la débandade ! Toutes les dizaines de personnes sur les lieux avions couru dans la petite maison de Vieux Deschauds pour nous abriter… il n’avait pas le choix, on n’avait pas besoin de sa permission.
A peu près 3h de temps après, nous avions quand même tous réussi à regagner nos domiciles sous l’énorme joie de nos familles. La toilette pouvait être nettoyée, nous pouvions nous décharger de nos besoins physiologiques et nous pouvions préparer le peu de riz que nous avions…

L’ après midi, mon père qui était un grand fumeur, ne pouvait plus se retenir… il alluma sa cigarette… cigarette qui nous attira des ennuis. En effet un militaire Rwandais senti l’odeur de la cigarette allumée… quelques minutes après… toc toc toc… le militaire frappait à la grille fermée! OMG! Ma mère faillit s’évanouir… puisque ce genres de scènes précédait souvent des massacres de masse… Personne n’a répondu… Toc Toc Toc…. silence de mort… je crois que le militaire avait compris que nous avions peur mais il insista… Toc toc toc «Mzee, Mzee! Unipe moto! Nataka vuta!» (aîné, aîné, donne moi du feu, j’ai envIe de fumer). Papa sorti pour lui allumer son splif de chanvre… le gars refit la scène plusieurs fois cet aprem là jusqu’à ce que papa se sente obligé de lui faire cadeau de son briquet à contre-coeur…

JE resterai marqué à vie par ces événements…

Quand on a connu la laideur de la cruauté humaine, Entretenir la mémoire, combattre l’oubli afin que les mêmes erreurs ne se reproduisent est une obligation.

Afin que le monde n’oublie pas. Tant que Facebook existera, Du 5 au 10 Juin de chaque Année, je raconterai l’histoire de la guerre la plus meurtrière et impitoyable que j’ai vécue.
Vous l’aviez peut-être lue sur ce mur durant les années précédentes, mais il en sera ainsi chaque année! Lisez et partagez-la encore cette année.

J’invite tous les ressortissants de Kisangani ayant connu la guerre de 6 jours en 2000 entre les armées Rwandaise et ougandaise de partager pendant 6 jours, soit des photos, soit leurs histoires pour que le monde n’oublie pas le tort irréparé qui nous a été causé.
Utilisez 2 hashtags pour que l’on retrouve facilement nos histoires #Joubliepas et #Kisangani6Jours

J’écris cette histoire pour qu’un jour personne n’ose l’écrire à notre place. Un projet de livre, de spectacle musical et de bande dessinée est en cours (oui, il ne faut pas que nos enfants ignorent notre histoire).

Si un jour je ne vis plus, je confie la paternité de ces textes à mes frères Guy et Gloire, à ma fille Imara, et à ma Femme.

Si Vous aimez la RDC en tant que fils/fille, ou que vous en êtes ami, énorme Merci à Vous de partager ce post. Faisons-le tourner sur la toile afin qu’un jour personne ne tente d’effacer cette partie de NOTRE HISTOIRE.

À demain pour le récit détaillé du Jour 5 de la fameuse guerre de 6 jours 🙏🏽.
#JoubliePas #Kisangani6Jours

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