La République Démocratique du Congo s’apprête à écrire un nouveau chapitre dans l’histoire de sa création artistique. Après des décennies de dysfonctionnements, le gouvernement lance un projet ambitieux : la création d’une société étatique dédiée à la gestion collective des droits d’auteur et droits voisins. Portée par une volonté politique affirmée, cette initiative pourrait redynamiser un secteur clé pour l’économie culturelle et offrir aux artistes congolais le cadre équitable et transparent qu’ils réclament depuis longtemps.
Un secteur en crise : l’urgence d’une réforme
Le constat est sans appel, le secteur des droits d’auteur en RDC souffre d’un manque criant de structuration. Depuis des années, les créateurs dénoncent des pratiques opaques, des tarifs inadaptés et une gestion bicéphale source de tensions. L’ordonnance-loi de 1986, aujourd’hui obsolète, n’a pas su répondre aux défis d’un marché en pleine mutation, marqué par la numérisation et la mondialisation des échanges culturels. Résultat : des artistes sous-rémunérés, des œuvres mal protégées, et un manque de confiance généralisé.
Une volonté politique inédite
Le gouvernement place désormais la réforme des droits d’auteur au rang de priorité nationale. Après avoir entamé la révision du cadre juridique hérité des années 1980, l’exécutif franchit une étape décisive avec la création d’une société publique de gestion collective. Validée lors du Conseil des Ministres du 4 avril 2025, cette structure vise à remplacer les organismes existants, souvent critiqués pour leur manque de transparence.
Consultations nationales : l’heure de la concertation
Pour garantir l’adhésion de tous, une commission interministérielle a été mise en place. Composée d’experts en propriété intellectuelle, de représentants des ministères clés (Culture, Justice, Présidence) et de provinces, elle a pour mission de consulter les acteurs du terrain : artistes, éditeurs, producteurs, et associations. Ces consultations, lancées officiellement le 14 mai 2025, doivent aboutir à des propositions concrètes d’ici la fin de l’année.
L’objectif ? Concevoir une société publique inclusive, capable de : Centraliser la collecte et la redistribution des droits de manière transparente. Adapter les tarifs aux réalités économiques locales et internationales. Lutter contre la piraterie, fléau qui prive les artistes de revenus essentiels. Faciliter l’accès aux marchés étrangers grâce à des partenariats avec des sociétés sœurs à l’étranger.
Un levier pour le développement économique
Au-delà de la protection des artistes, cette réforme s’inscrit dans une vision plus large. Avec une industrie culturelle estimée à plusieurs millions de dollars (musique, cinéma, littérature), la RDC possède un potentiel sous-exploité. Une gestion collective professionnelle pourrait :
Stimuler les investissements dans des projets culturels innovants.
Renforcer l’exportation des œuvres congolaises, notamment dans l’espace francophone.
Créer des emplois dans des filières comme l’audiovisuel ou l’édition.
Défis et attentes
Si l’enthousiasme est palpable, les défis restent immenses. La future société devra surmonter : La méfiance historique des artistes envers les structures étatiques. Le manque de données fiables sur les œuvres en circulation. La formation urgente des gestionnaires aux normes internationales.
Vers une renaissance culturelle ?
En plaçant les droits d’auteur au cœur de sa politique culturelle, la RDC envoie un signal fort à ses artistes comme à la communauté internationale. Si les consultations aboutissent à un modèle viable, le pays pourrait devenir un exemple en Afrique subsaharienne, où seuls 15 pays sur 54 disposent de sociétés de gestion collective fonctionnelles.
L’enjeu dépasse le cadre juridique, il s’agit de redéfinir la valeur de la création dans un pays où la culture est à la fois pilier identitaire et levier économique négligé. Le monde observe désormais si la RDC parviendra à transformer cet espoir en réalité.
✍️ Pop KIDIMBU
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