Dans une décision sans précédent, le Sénat de la RDC a voté ce 22 mai 2025 la levée des immunités de Joseph Kabila, ancien président (2001-2019) et sénateur à vie, ouvrant la voie à des poursuites judiciaires pour trahison, soutien à une rébellion armée et crimes de guerre. Ce vote, marque un tournant dans un pays miné par des décennies de crises politiques et de violences dans sa partie Est.
La procédure, initiée par un réquisitoire explosif de l’auditeur général des FARDC accuse Kabila d’avoir collaboré avec la rébellion M23/AFC, soutenue selon Kinshasa par le Rwanda. Les preuves incluraient des échanges téléphoniques avec Corneille Nangaa, ex-président de la CENI devenu chef rebelle, et des témoignages comme celui d’Éric Nkuba, détenu condamné à mort, qui affirme avoir assisté à des discussions stratégiques entre Kabila et les insurgés.
Des charges d’une gravité inédite
Les accusations reposent sur plusieurs piliers juridiques : Trahison pour intelligence avec le Rwanda, accusé d’agression contre la RDC, Participation à un mouvement insurrectionnel, via un rôle présumé dans la création du M23. Crimes de guerre, incluant des massacres de civils et des violences sexuelles systématiques dans l’Est.
Le réquisitoire s’appuie sur des articles clés du droit congolais, dont les articles 104, 107 et 153 de la Constitution et l’article 120b du Code de justice militaire, qui encadrent les poursuites contre les parlementaires pour infractions militaires.
Une procédure controversée et symbolique
L’absence de Joseph Kabila lors de la séance décisive a alimenté les critiques. Certains sénateurs y voient un « mépris des institutions », tandis que ses partisans dénoncent une « persécution politique ».
Par ailleurs, Jean-Claude Katende, président de l’ASADHO, a fustigé une procédure « illégale », rappelant que la levée d’immunité d’un ex-président nécessite normalement l’aval du Congrès (réunion des deux chambres).
Malgré cela, la Commission spéciale dirigée par Christophe Lutundula a joué un rôle central, examinant en 72 heures des preuves jugées « accablantes » dont des rapports confirmant la présence de Kabila à Goma, zone sous contrôle rebelle.
Contexte régional et enjeux de justice
Cette décision survient dans un climat d’urgence sécuritaire : l’Est du pays est ravagé par le M23, dont les liens avec Kigali sont régulièrement dénoncés. Le rapport du Sénat souligne aussi des dysfonctionnements militaires (gestion opaque des soldes, stratégie inadaptée), aggravant la crise humanitaire.
Pour les défenseurs des droits humains, cette levée d’immunité incarne un espoir de lutte contre l’impunité, enracinée depuis le « Rapport Mapping » de 2010 documentant 617 crimes majeurs non jugés.
Et maintenant ?
Si la Haute Cour Militaire est désormais compétente pour juger Kabila, les défis restent immenses :
1.Localisation de l’accusé, qui d’après d’autres sources serait en exil et que Kabila ignorait toutes les convocations.
2. Risques de déstabilisation : Les tensions politiques pourraient s’exacerber, alimentant un climat déjà volatile.
3. Attentes des victimes : Des millions de Congolais espèrent que ce procès brisera le cycle de l’impunité.
En levant l’immunité de Joseph Kabila, la RDC écrit une page audacieuse de son histoire. Reste à savoir si cette démarche judiciaire, aussi symbolique soit-elle, parviendra à concilier justice et stabilité dans un pays où les ombres du passé hantent toujours l’avenir.
✍️ Pop KIDIMBU
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