Dans une récente séquence extraite du documentaire Héroïnes de la Rumba, devenue virale sur les réseaux sociaux, Mbilia Bel apparaît aux côtés de sa fille.
Leur message est aussi simple que bouleversant : 42 ans après le début de sa carrière, la légendaire chanteuse ne percevrait toujours pas les royalties liées à ses droits d’interprète pour les œuvres qu’elle a co-créées avec Tabu Ley Rochereau au sein de l’Orchestre Afrisa International.
Sa fille, également enfant de Tabu Ley, y exprime un soutien indéfectible et sa détermination à se battre pour que cette injustice soit enfin réparée.
Ce contentieux remet en lumière les difficultés persistantes liées à la gestion des droits des artistes dans l’industrie musicale africaine, aggravées par des relations personnelles complexes et des structures de gestion souvent opaques.
Un catalogue qui continue de rapporter… sans l’interprète principale
Le cœur du problème réside dans la gestion du catalogue musical de l’âge d’or de l’Afrisa International.
Des albums emblématiques comme Les Meilleures Sélections de l’Orchestre Afrisa International, Volume 1, contenant des titres mythiques tels que Coup de Marteau, Karibou Ya Bintou ou Lynda Soleil, continuent de générer des revenus substantiels sur les plateformes de streaming (Apple Music, Deezer…), dans des films, ou via des rééditions physiques vendues sur des plateformes spécialisées comme Discogs.
Pourtant, selon les déclarations de Mbilia Bel et de sa fille, ces revenus profiteraient uniquement aux détenteurs du catalogue de Tabu Ley, notamment Sylla Records, laissant l’interprète féminine principale sans compensation pour son rôle décisif dans le succès de ces œuvres.
Cette situation implique que chaque nouvelle écoute sur les plateformes alimente un système où l’artiste est effacée des bénéfices de sa propre voix.
Départ d’Afrisa : les prémices d’un conflit ancien
Les tensions autour de la gestion d’Afrisa International ne datent pas d’hier.
En 1988, Mbilia Bel quitte l’orchestre pour entamer sa carrière solo. Les raisons évoquées à l’époque : un manque de transparence dans la gestion et une confusion entre vie professionnelle et vie personnelle.
Son premier album solo, Phénomène, en 1988, comportait déjà des titres comme Tika Bazuwa, qui évoquaient indirectement ses différends avec Tabu Ley.
Ce contexte révèle que les questions d’équité et de reconnaissance poursuivent Mbilia Bel depuis des décennies, influençant profondément son parcours.
Un imbroglio personnel et professionnel
La complexité de cette affaire dépasse le simple désaccord contractuel.
Mbilia Bel entretenait une relation amoureuse avec Tabu Ley, dont est née leur fille. Cette proximité a sans doute brouillé les frontières entre collaboration artistique et relation intime, compliquant la mise en place d’accords clairs sur la propriété intellectuelle et les droits d’interprétation.
Comme le rappelait un commentaire relevé sous une publication virale :
« Quand Mbilia Bel et Tabu Ley ont souffert des conséquences de leur rupture, leur carrière a piqué du nez. Leurs succès ultérieurs n’ont jamais égalé leur période commune. »
Cette observation illustre bien que la valeur du patrimoine musical qu’ils ont créé ensemble repose sur leur synergie, rendant d’autant plus injuste l’exclusion de Mbilia Bel des revenus actuels.
La bataille pour la reconnaissance
Aujourd’hui, soutenue par sa fille, Mbilia Bel mène un combat qui dépasse son cas personnel.
C’est celui de toute une génération d’artistes africains, souvent démunis face à des systèmes juridiques et contractuels flous, hérités d’un autre temps.
Cette lutte pose des questions essentielles :
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A-t-elle été officiellement déclarée comme interprète sur ces œuvres ?
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Est-elle affiliée à une société de gestion de droits voisins hors de la SOCODA, comme l’ADAMI en France ?
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Pourquoi la SOCODA, qui n’est pas membre de la CISAC et sans accord de réciprocité, ne peut-elle pas défendre efficacement ses droits à l’international ?
Un cri pour la justice artistique
Alors que les classiques d’Afrisa International continuent de faire danser le monde, l’histoire de Mbilia Bel rappelle une vérité fondamentale :
Derrière chaque note, chaque refrain, se cache un droit.
Et ces droits doivent être respectés.
Son combat est un appel à la justice, à la reconnaissance et à une répartition équitable des richesses générées par un patrimoine culturel inestimable.
✍ Pop KIDIMBU
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